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CaMiLLe
5 août 2007

Suan Mokkh, jour apres jour...

L’article qui va suivre résume jour après jour mon expérience de vie à Suan Mokkh, mes premiers pas dans la méditation, ma façon de vivre l’expérience et de faire face à un isolement et un mutisme quotidien.

Day 1 : Du mal à prendre le rythme…

Mes premiers pas dans la méditation ne sont pas vraiment fructueux. Je n’arrive pas à me concentrer. J’essaie de focaliser mon esprit sur ma respiration et le cheminement de l’air dans mon nez, ma bouche, ma gorge, mes poumons. Mais mon cerveau est un petit farceur et en lui ordonnant de ne penser à rien d’autre que mon souffle, il m’envoie toutes ces images, remonte des souvenirs, des endroits, me rappelle des gens, conçois des projets etc… C’est comme s’il me jouait des tours pour détourner mon attention.

Après une heure de concentration intense, je suis déjà crevée. Le réveil si tôt et mes yeux fermés ne m’aident pas à rester éveillée.  De plus, la faim commence à me tirailler le ventre, je n’ai pas l’habitude de ne pas manger le soir. La cloche sonne enfin le petit-dej. On est debout depuis 4h, j’ai l’impression qu’il est midi. Le soleil vient de se lever, il est à peine 8h…On fait une lecture avant le repas pour nous faire prendre conscience que la nourriture n’est ni pas un plaisir, uniquement un moyen de rester en vie et en bonne santé. La nature du repas est uniquement spirituel et le contenu de nos assiettes pas vraiment appétissant.

Pause midi, premier jour, je pleure déjà… Je sais bien que je suis du genre madeleine, à pleurer pour rien mais là je fais très fort. Dire qu’il m’en reste 9 et demi… Je m’énerve toute seule, je n’arrive pas leur méditation. Je suis restée 4h ce matin à tenter de libérer mon esprit sans succès. Patience, ce n’est que le premier jour.

Je réalise vraiment à ce moment que ça va être très dur, surtout si je commence déjà à déprimer. Entourées de tous ces gens avec qui je vis, je mange, je me sens plus isolée que jamais. Aucune distraction, aucun moments à partager avec quelqu’un, ça se passe uniquement entre moi et moi. Julie est là, je la voie, elle me voit. On n’ose pas trop se regarder. Que c’est frustrant de ne pas pouvoir échanger ne serait-ce qu’une parole ! Je me rends compte à quel point l’enfermement et l’isolement sont des punitions atroces. J’espère juste que d’ici les prochains jours ça ira mieux sinon je deviens folle…

Je sais que j’ai toujours été assez fragile émotionnellement, sensibilité à fleur de peau je connais, et j’ignore déjà si j’aurai la force morale de rester dix jours.

DAY 2 Un grand mieux

Il m’a fallu une journée d’adaptation je crois pour me faire aux règles, au mode de vie. Maintenant je l’ai assimilé et accepté, ça va mieux. De plus, Julie a senti ma détresse hier et m’a glissé un mot sous ma porte pour me réconforter. C’est tout ce dont j’avais besoin, un petit soutien…

J’arrive bien à respirer aujourd’hui et parviens à rester concentrée quelques minutes d’affilée sans laisser mon cerveau s’évader. Le discours du moine aujourd’hui m’a bien motivée et inspirée.  Il faut être constamment conscient de nos pensées. C’est un exercice très dur, surtout pour la tête en l’air que je suis, plus dans les nuages que sur la terre. Tentez de focaliser votre esprit sur la seule idée de l’air qui rentre et sort de vos poumons, en excluant toute pensée extérieure, soucis, tracas, RDV, projets, souvenirs etc…

La technique de méditation, appelée Anapanasati, consiste en l’observation de la respiration pour rendre paisible et heureux car on parvient à ignorer toutes les mauvaises pensées : souffrance, inquiétudes, angoisses …

Toutefois, il y a une logique dans ce raisonnement que je ne saisis pas : comment peut-on être heureux si on ne pense à rien ? Paisible peut-être, mais heureux pour moi n’a aucun sens. Il faut aussi souffrir, affronter nos peurs et nos angoisses pour se sentir vivant et pouvoir apprécier les autres moments de la vie, ceux de joie et de gaieté. Peut-être n’ai-je pas bien saisi la spiritualité de la méditation, je suis encore légèrement dans le flou !

Je me rend au moins compte d’une chose avec tout ça, c’est à quel point je suis heureuse et j’aime mon mode de vie. Certes, on peut, comme ici vivre de rien, s’habiller de draps, se nourrir des fruits et légumes du jardin, vivre à la lumière du soleil ou de la bougie et se laver avec un seau d’eau. Mais que c’est bon de s’accorder les plaisirs de la vie, de s’accorder tout ce qui nous est interdit ici : manger une pizza, allumer la télé, me divertir au cinéma, écouter de la musique ou faire du roller. Parler, rigoler, danser. C’est en étant ici privée de toutes ces choses que je prend conscience que j’aime la vie, j’aime ma famille et mes amis.

En rentrant dans les chambres à 21h, on est tous extenués. Non seulement parce que l’on s’est levés à 4h, mais aussi car la méditation nous fatigue tous. Je retrouve ce qui me sert de lit, peu enthousiaste à l’idée de dormir dessus. Au plafond, Cunégonde, la grosse araignée me fait coucou. En temps normal, elle serait déjà dans l’aspirateur ou écrasée entre deux pages de dictionnaire. Je transgresse déjà les règles en écrivant tous les jours, je ne pourrais pas en plus tuer un être vivant !

DAY 3 Meilleure journée

Très bonne méditation aujourd’hui, je suis contente du résultat. Je peux désormais me concentrer plusieurs minutes sans laisser passer une émotion en moi qui me dirigerait à être soit heureuse, soit triste selon la nature de la pensée. Ce matin, quelque chose de bizarre m’est arrivée en méditant. En en parlant au moine plus tard, j’apprend que c’est dans le processus normal de la méditation.

Assise en position lotus, concentrée depuis plusieurs minutes sur ma respiration uniquement, je sens ma tête qui tourne et mon dos se cambrer. J’ai l’impression que l’air est montée au cerveau et puis, je sens mon buste et ma tête se soulever légèrement comme s’ils se séparaient du reste du corps. A ce moment, je réalise qu’il se passe quelque chose et je me dis « yessss ! », ça y est, je me déconcentre et c’est fini. J’étais bien contente de réussir à quelque chose même si, concrètement, ça ne m’a rien apporté. C’était un sentiment inconnu et pas désagréable du tout. J’ai tenté maintes fois dans la journée de retrouver ce sentiment, plus rien. C’est agaçant.

On nous enseigne aussi au cours de la journée l’importance du pardon pour se sentir bien, l’importance d’aimer autrui et de ne pas regarder les autres avec indifférence. C’est la clef du bonheur selon Bouddha, un concept auquel j’adhère totalement : impossible d’être heureux selon moi si l’on garde de la haine ou des ressentiments en soi. Voilà, c’était la bonne parole de la journée. Sur ce, je file au lit, j’en peux plus.

DAY 4 Transgressions sur transgressions, le début de la fin…

Un seul mot en tête : FATIGUE. Ici, on dort à toutes les pauses. On se  lève tôt, on dort mal et on médite toute la journée. De nouveau ce matin, rien. J’arrive pas… Je regarde Julie, pareil. Je regarde Olivier puis Naomi, pareil. Je commence à m’ennuyer royal pendant les cours. Les moines parlent d’une voix tellement monotones qu’ils m’endorment. Nous ne devons pas parler, du coup, il n’y a aucune interaction durant les heures de théorie ce qui rend les séances d’un ennui sans nom, et surtout d’une lenteur impressionnante. J’ai l’impression que c’est de pire en pire tous les jours.

Ca devient très dur de respecter certaines règles. On a bien tenu jusqu’à présent, sans parler, juste des clins d’œil et des sourires de temps en temps. Cet après midi sera le début de la fin… Je croise Olivier dans le parc, un sourire, et en moins de deux, on se retrouve à blablater cachés dans les toilettes. On parle, on rit, ça fait tellement de bien !

Ensuite, 18h, heure du thé. Tout le monde autours des tables dans le même silence qui règne depuis des jours. Je me retrouve en face de Julie à remplir mon verre. On se sourit puis je lui chuchote doucement : « je suis constipée… » Et là, c’est le drame… Julie pouffe de rire dans un bruit légèrement étouffé par sa main droite, la gauche tenant le verre tremblant de ses sursauts. A ce spectacle, je ne réfreins pas un rire qui se voulait discret mais peu concluant. L’interdiction de parler ou de faire du bruit ne contribue pas à calmer notre fou rire face aux autres pensionnaires, bien au contraire. Mémorable scène d’un fou rire très mal placé impossible à refreiner.

Plus tard, à 20h, je me sens crevée, je n’ai pas du tout envie de participer au cours de méditation debout. Je décide de rentrer avant tout le monde dans ma chambre. Je croise Julie dans les dortoirs qui a eu la même idée. On se retrouve pour la première fois toutes les deux, personne ne nous voit alors on papote pendant une heure et on rit beaucoup. On avait tellement  l’habitude de rire TOUS les jours ces dernières semaines que là, on était perdues. Au moins, ce soir on a retrouvé nos repères. C’est fini, je suis complètement déconcentrée…

 

DAY 5  Ca sent la fin…

J’arrive plus à rien. Depuis deux jours, je ne suis capable de rien. Mon esprit s’évade à une telle allure que je ne me rends même pas compte depuis combien de temps j’ai perdu ma concentration. En position méditation, je pense à tout sauf à rien, à des futilités, à ce que je vais acheter au marché, je fais des projets pour l’année prochaine, j’imagine mon retour en France etc… Mon esprit part à Paris, puis à Bangkok, à Dublin, Sydney, bref, je m’éparpille complètement. Et le pire : j’aime ça ! Je n’ai pas envie de freiner ces pensées car elles sont quand même beaucoup plus intéressantes que de penser à ma respiration !

De son coté, Julie vit exactement la même chose et ne parvient pas non plus à méditer. Ca ne signifie pas du tout qu’on est tristes ou découragées, car on ne se sent pas mal ici mais l’on commence à s’ennuyer. Déjà 11 personnes ont quitté le temple à force d’ennui. Rapide coup d’œil à Olivier, il en a marre, de même que Naomi qui souhaite partir. C’est à ce moment qu’on émet la possibilité de partir avant la fin. On y pense, l’idée nous plait à tous les quatre. La décision est prise, ce soir est notre dernière nuit…

Ca ne sert à rien de rester dans cet état d’esprit. On commence à transgresser les règles, l’ennui se fait pour tous de plus en plus présent et qu’est ce qu’on dort mal ! On aura vécu 5 jours vraiment hors du commun, reclus en province thailandaise, en communauté avec des inconnus dont les visages deviendront familiers, avec des moines et des nonnes. Je me serai rendue compte de deux choses importantes ici : la première, j’aime ma vie et les plaisirs de la vie, et la deuxième à quel  point j’ai de la chance d’avoir une famille, et pas n’importe laquelle, des amis, elle, lui, eux, pour rien au monde je ne les échangerai !

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